Témoignage dans le procès de Mr Latine de Créman-Glaise

Chers amis,

Comme vous le savez ce fât de secrétaire d'état a jugé bon de m'envoyer comparaitre devant Monsieur le Ministre de la Justice pour une soit disante affaire de corruption.
Nombre d'entre vous m'ont déjà soutenu le mois précédent dans mes démarches pour prouver mon innocence, c'est donc à nouveau aujourd'hui vers vous que je me tourne pour solliciter de votre part un témoignage que vous pourrez donner devant Monsieur le Premier Ministre.

D'avance je vous remercie de votre aide qui , quelle que soit l'issue de ma mésaventure, ne saura être oubliée soyez en sûr.

Votre ami,
Roger Latine de Créman-Glaise


** Pas de PI cette fois, juste une lettre adressée au Roy pour publication. Selon le talent littéraire, le Roy ajoutera +1 à mon dé pour éviter la condamnation et la même modif pour le jet de la peine si la condamnation est confirmée.

Et moi, j'ai besoin de quelques témoignages afin de ne laisser planer aucun doute sur votre culpabilité et l'affront que vous avez fait envers sa Majesté le Roy de France en tentant de corrompre quelque bureaucrate afin d'obtenir un poste qu revenait de droit à un autre.

Jean Bastyïe-Légueus
Procureur de sa Majesté

Monsieur le Procureur Général,

Dans la prison espagnole qui a aimablement daigné m’offrir le gîte et le couvert, l’affaire de Monsieur Roger Latine de Créman-Glaise est sur toutes les lèvres. Depuis le premier jour où j’y ai été généreusement accueilli, il ne se passe pas une heure de la journée sans que j’entende des « madré dé dios ! tou crois brément qué cété hombré, cé Ticouné, il va toucher la récompensé dé l’Ambassadeur d’Espagné ? », des «yé misé ouné doucado sur la condamnacion dé Roger, et toi ? », des « la France, c’est lé mondé à l’envers : là-bas, nous sérions traités commo des princé et nos princé seraient lé derniers des derniers, hé, hé, hé, una bellé terré pour lé valé» ou des « tou as raison, si lé noblé sont condamnés en France et qué lé derniers sont lé prémiers, lé Roy dé France doit vraiment être lé pire des gueux ».

Imaginez-vous un instant mon état, Monsieur le Procureur Général : ne se satisfaisant pas de troubler ma quiétude carcérale, cette lie de la société, ce substrat composite de geôliers et de prisonniers espagnols de droit commun insultait la France et notre bon Roy.

Assurément, je ne connais pas suffisamment Monsieur Roger Latine de Créman-Glaise pour pouvoir me porter garant de ses actes et jurer sur l’honneur qu’il est avant tout une victime de la cupidité, de la médisance et de la rancœur d’’un laquais tout à fait déloyal. Mais il me semble que lorsque l’on accorde plus de crédit aux propos d’un domestique qui n’a accepté de servir un maître que pour mieux le voler et lui être source de préjudice, c’est tout le pilier de la tradition française qui s’effondre.

Je vous écris depuis la forteresse où je me trouve entouré de coupe-gorges et de garde-chiourmes espagnols, tous désireux de voir déchoir un officier ayant mis son épée service de la France. Sans raison.

Si c’est cela, cette France que j’aime, un pays où la générosité tombe dans l’oubli, où le noble devient ignoble, où le mesquin est acclamé, nous serons véritablement entrés dans une ère nouvelle, à défaut d’être meilleure.

Monsieur le procureur général, monsieur le juge, messieurs les membres du jury,

Si je prends la plume aujourd’huy c’est pour vous dire combien je suis surpris de voir le Sieur Latine sur les bancs de l’accusation. Sachez que cet homme que je connais maintenant depuis quelques mois est un hôte des plus charmants et des plus corrects qui soit. Parfait gentilhomme, il a su me soutenir avec efficacité lors d’une altercation avec un lourdaud sanguinaire.
Aussi, lorsque j’ai entendu cette ridicule histoire de tentative de corruption, je me suis dit qu’on ne pouvait laisser passer une telle injustice sans réagir.
Car ridicule elle l’est, jugez plutôt :
Monsieur Latine est un capitaine de fort belle prestance au Turenne-Cavalerie. Il se fait que l’uniforme standard manque du pimpant et du tombant impeccable qu’il souhaitait pour lui-même. Je reconnais là une certaine vanité, mais qui ne nécessite aucunement procès, d’ailleurs, qui sait, peut-être simplement voulait-il représenter au mieux la noble armée française aux Régiments de Frontière. Toujours est-il que son supérieur, Monsieur de Préfontaine, lui a proposé les services du couturier des hauts officiers qui était justement dans les bureaux de l’état-major à ce moment. Mesures furent prises, et le costume fut prestement coupé et assemblé. Je le sais, c’est à moi qu’il demanda l’honneur de lui ramener le dit costume. La maison de couture a ses établissements près du Garros où je visitais un appartement que je comptais emménager le mois suivant, et j’ai donc pu profiter de mes allées et venues dans ce quartier pour lui rendre ce menu service, vu que l'on devait se voir lors de l'altercation sus-mentionnée. Bien sûr Monsieur Latine ne fait pas encore partie des hauts officiers, et donc l’arrangement financier entre lui et le couturier a du se faire via Monsieur de Préfontaine qu'il s'empressa de rembourser en lui envoyant son valet avec la somme due.
Y a-t-il matière à condamner, messieurs ? Un peu de vanité, un peu d’arrangement pour profiter de privilèges dus à un autre rang… N’auriez pas vous-même succombé à la possibilité ?
Pensez-vous vraiment que la parole d’un domestique un peu simple qui n’a entendu qu’une phrase sortie de son contexte soit suffisante pour faire condamner un homme ?

Je vous offre mes salutations distinguées
Donatien Alphonse François.

Messieur,

Le Capitaine Latine est un gentilhomme comme vous et moi. Il y a pas si longtemps il était avec moi dans ma loge comme beaucoup d'autres gentilhommes de bonnes familles. Il organise des tournois de Paume et d'excellentes soirées. Est ce là un homme à faire de si mauvaise chose que ce procureur ose insinuer sans aucune preuve ? ...

Ses créditeurs vous diraient qu'il n'est point richissime. Tout corrompteur est riche sinon à quoi bon corrompre ??? Nul n'oserait porter offense en accusant son colonel d'avoir fait un mauvaix choix.

C'est un ami. Il sait se montrer grand quand ses amis ont besoin de lui. Et il sera quand la nation lui demandera son sang, l'offrir pour acquérir la victoire.

Respectusement votre,

Aucune preuve vous dites? Allons! Même M. François admet que M. Latine de Créman-Glaise souffre de convoitise aigüe. Quelqu'un ne viendra-t-il pas en faire la preuve devant la cour avant que cette convoitise dont souffre le prévenu ne l'emmène à désirer la couronne de votre Roy?

Jean Bastyïe-Légueus
Procureur de sa Majesté